Le lagopède des saules…
l’oiseau du Pôle-Nord !
Texte et photos
Alain Cossette
C’est avec un immense plaisir que je veux vous entretenir de la chasse d’un de mes oiseaux préférés, le lagopède des saules. Ce dernier se présente généralement après le passage du Père-Noël; c’est-à-dire, une chasse qui devient intéressante tout juste après Noël. Je me souviens encore, comme si c’était hier, du premier contact que j’ai eu avec cet oiseau; cela se passait à l’hiver 1988. À l’époque je devais passer une fin de semaine sur deux à Baie-Comeau pour le travail. Étant un maniaque de chasse j’ai donc décidé d’apporter avec moi mon premier fusil de chasse; soit un fusil de calibre 20 au cas où.
Le premier samedi, un collègue de travail et moi avons décidé d’aller voir le fameux barrage Daniel-Johnson et la centrale Manic-5; bien évidemment le fusil a suivi dans le véhicule. Pour ceux qui ne le savent pas, ce barrage devait être inauguré en septembre 1968 par le ministre Daniel-Johnson mais ce dernier est décédé durant la nuit une fois arrivé sur place. L’inauguration a été remise en septembre 1969. Suite à l’événement de 1968 le barrage a changé de nom pour s’appeler le barrage Daniel-Johnson au lieu de Duplessis comme préalablement anticipé. Cette immense structure représentait et représente toujours le symbole de la nationalisation de l’électricité et de la prise en main du peuple québécois; elle fait partie de notre histoire.
Après avoir fait plus de 200 kilomètres à partir de Baie-Comeau et plusieurs heures de transport, alors que nous étions sur le point d’arriver, nous apercevons un chasseur sur le chemin du retour avec une carabine de calibre .22 qui est à récolter cette fameuse perdrix blanche (nom communément utilisé); ce furent les premières que nous avons vues. Et là la chance m’a souri, je vois ce magnifique oiseau blanc sur ma droite; signe que le chasseur que nous venions de dépasser ne l’avait pas aperçu. Dans l’émotion, je stationne immédiatement le véhicule de la façon la plus sécuritaire possible et je sors rapidement du pick-up pour le récolter. Toutefois pour aller le chercher cela a été un petit peu plus de travail car je n’avais pas apporté mes raquettes à neige. Tout cela en valait la peine, le monsieur était comblé et heureux; j’ai d’ailleurs fait naturaliser ce spécimen. Après 35 ans à faire la chasse à ce gibier je n’ai plus jamais oublié les raquettes. Nous avons poursuivi notre trajet vers le barrage et il est vrai que cette construction est des plus impressionnante. Ce fut le seul spécimen récolté cette fois-là; nous n’étions pas en mode chasse et avons quitté assez tard l’hôtel où nous logions. J’avoue m’être repris dans les semaines qui ont suivi; mais il n’y en avait pas autant si l’on compare à ce que l’on observe lors des dernières années. Cette année-là, lors d’une expédition, j’ai même eu la chance d’observer mon premier renard argenté; au fil du temps et de mes sorties j’en ai vu seulement quatre et toujours dans la région du nord du Québec. Contrairement à l’Île d’Anticosti où il y en a beaucoup; il faut savoir que ces derniers sont de provenance de lâchers de gibier d’élevage.
La migration
Cet oiseau fait des irruptions cycliques et aléatoires vers le sud du Québec en période hivernale; pour ce faire, il est prêt à parcourir des centaines de kilomètres. Ce n’est pas peu dire que de savoir que cet oiseau est capable de faire de grandes distances. Généralement il n’hésite pas à s’envoler lorsque vous tirez un coup de feu; vous le constaterez si vous voyagez vers le nord du Québec à la limite des régions habitées du sud pour cette fameuse chasse. Plusieurs soupçonnent que les pluies verglaçantes seraient un des facteurs les plus importants à ces migrations puisque les lagopèdes auraient de la difficulté à atteindre leur nourriture; il en serait de même pour de grandes quantités (épaisseur) de neige. Quant à moi je crois que le lagopède des saules est actuellement dans un pic élevé de population; d’ailleurs je n’ai jamais observé autant d’oiseaux lors de mes 35 années dédiées à la recherche de ce gibier. Donc j’invite les chasseurs à profiter de cette manne; la meilleure période correspond généralement aux mois de janvier et février. Le lagopède est présent dans les régions où l’humain est peu présent.
Un peu de biologie
Cet oiseau est apparenté à la poule de basse-cour qui vit principalement au sol. Le lagopède des saules fait partie de l’ordre des gallinacés et de la famille des phasianidés ; tout comme la gélinotte huppée, le tétras du Canada et le tétras à queue fine. Si j’ai mentionné ces trois autres espèces c’est que dépendamment où vous allez chasser vous pourriez avoir la chance de les récolter; mais rappelez-vous que la chasse se termine le 15 janvier pour ces dernières espèces. Depuis toujours le tétras à queue fine se retrouve dans le coin de Matagami; c’est une pochette qui est généralement méconnue des québécois. J’ai d’ailleurs effectué deux voyages voilà une vingtaine d’années spécifiquement pour avoir la chance de récolter cette espèce.
Au niveau ornithologique le lagopède des saules fait partie du genre lagopus tout comme son cousin le lagopède alpin; ce dernier est un peu plus petit et en période hivernale il se distingue par sa ligne noire qui part de l’œil pour se rendre au bec. Ces deux espèces nichent dans la toundra, toutefois pour le lagopède alpin son territoire est de moindre envergure au nord de la Toundra. Si jamais vous avez l’unique chance d’en récolter un lors d’une chasse hivernale, faites-le naturaliser; vous allez faire des envieux…dont moi. Il semblerait que les meilleures chances seraient aux alentours de la ville de Fermont. Les seules fois que j’en ai vu c’était lors d’une chasse automnale au caribou dans le coin de Kuujjuaq. Malheureusement, je n’en ai pas récolté lors de mes 4 séjours de chasse au caribou d’automne contrairement au lagopède des saules dont le premier récolté en plumage estival l’a été en 1993.
Le lagopède est beaucoup plus grégaire lors de la période hivernale et fait assez surprenant il mue trois fois par année; une mue prénuptiale, une mue postnuptiale et naturellement celle dans laquelle on le rencontre le plus à la chasse, la mue hivernale. Ces trois mues ont comme incidences d’avoir le plumage qui lui permet de mieux se camoufler dans son habitat. La plupart des oiseaux ont généralement deux mues annuellement.
Le lagopède des saules est légèrement plus petit qu’une gélinotte huppée et ce qui le distingue de cette dernière ce sont ses doigts emplumés qui lui permettent de flotter sur la neige; ce qui facilite ses déplacements en hiver. Ils pondent entre 7 et 10 œufs par année.
Finalement les lagopèdes sont bien adaptés physiquement pour ces longues distances parcourues lors des migrations hivernales; la couleur foncée de la chair en est un bon témoin tout comme la grosseur du cœur. Malgré la densité de son plumage il aime s’enfouir dans la neige afin de dormir.
Il faut savoir que le lagopède aime les habitats qui sont ouverts et l’hiver il se nourrit de bourgeons de saules, de bouleaux et d’aulnes ; tenez-en compte lorsque vous recherchez ce gibier et surtout ralentissez pour les apercevoir lorsque vous serez en présence de tels habitats. Lors du nettoyage d’oiseaux récoltés, vous constaterez les échantillons de leurs repas!
Le lagopède aime bien se nourrir des bourgeons de différentes espèces d’arbres et arbustes. Alors ne regardez pas uniquement vers le sol…
La chasse hivernale
Nous sommes vraiment chanceux de pouvoir profiter de cette manne au sud de son habitat lors de la période hivernale; mais attention il faut prendre un minimum de mesures sécuritaires. On peut le chasser un peu partout là où il se trouve mais assurez-vous de ne pas chasser dans un territoire structuré (sauf si vous avez les autorisations requises) ; tel qu’une Zec, une pourvoirie à droit exclusif ou une réserve faunique.
Quant à moi j’ai eu la chance, au fil des années, de chasser ce gibier en hiver dans la région de Manic-5 jusqu’à Fermont, à Schefferville, au nord de Saint-Ludger-de-Milot, au nord de Dolbeau, dans la région de Chibougamau, sur la route du Nord, de Matagami à Radisson et sur la route Transtaïga. Si vous regardez une carte vous serez en mesure de constater que c’est beaucoup de territoires à découvrir. Puisque de grandes distances à parcourir sont un fait indéniable, apportez avec vous du baume pour les lèvres (Lypsyl) car le temps est très sec à cette période de l’année.
Essayez de trouver des contacts dans les régions concernées afin de connaître la présence des oiseaux. De nos jours la beauté avec les médias sociaux c’est que l’information circule assez rapidement comparativement au passé et il existe même un site Facebook dédié à ce magnifique oiseau; Lagopède au Québec. N’oubliez surtout pas d’avoir des vêtements chauds car les -30 Celsius, et plus froid encore, sont monnaie courante.
Ce gibier peut se chasser en se promenant en raquette dans les habitats propices tels que sous ou en bordure des tours d’Hydro-Québec, en motoneige ou en véhicule. La principale manière de le chasser est de couvrir du territoire à bord d’un véhicule. N’oubliez jamais qu’il y a d’autres utilisateurs; c’est-à-dire d’autres chasseurs, d’autres usagers de la route et des camionneurs. Faites attention lorsque vous vous stationnez afin que votre véhicule n’entrave pas la route et surtout fermez vos portes; c’est facile de s’emporter lorsque l’on tombe en mode prédateur. De plus soyez avisé qu’il arrive souvent que dès que vous sortez de l’accotement vous pouvez vous enfoncer et cela assez profondément dans le fossé; après m’être stationné sur le bord de la route de Manic-5 mon compagnon de chasse lorsqu’il a débarqué du véhicule s’est enfoncé dans la neige jusqu’à la taille. Et lors de l’un de mes derniers séjours, un déneigeur a dépassé l’accotement et on l’a retrouvé en mauvaise posture, viré sur le côté complétement.
Attention aux bordures de routes secondaires qui peuvent causer de mauvaises surprises même aux habituées…
Surtout conduisez prudemment, les routes sont souvent très glacées et enneigées; un véhicule à traction intégrale (4X4) est un bon moyen de transport à utiliser et les pneus à clous aussi. Mais ce n’est pas une obligation; il faut surtout conduire prudemment et ajuster sa vitesse et sa façon de conduire aux conditions routières.
À mes débuts j’y suis parfois allé seul ; à ne surtout pas faire car on ne sait jamais ce qui peut arriver, j’avoue avoir été inconscient. La neige est moins dense car l’air est plus sec, donc on calle plus; je suis déjà resté pris sur une tête d’épinette et cela m’a pris pas mal de temps afin de me sortir de cette impasse. Si vous chassez en motoneige assurez-vous d’être plusieurs à vous suivre; vous comprendrez lorsque vous resterez pris. Les secours ne sont pas à proximité.
Si vous prenez les routes secondaires dites-vous que des camions surdimensionnés transportant du bois empruntent ces chemins hivernaux; il est préférable d’être en possession d’un CB (radio-portatif).
Le lagopède est un oiseau qui marche beaucoup et c’est souvent cela qui trahit sa présence; c’est une des raisons pour laquelle j’adore quand il tombe une mince couche de neige durant la nuit. Tout comme la gélinotte et le tétras il cherche à trouver du gravier afin de l’aider dans sa digestion. Le meilleur temps pour le chasser est durant les trois premières heures en matinée et la dernière heure et demie en fin de journée; il se déplace moins entre ces périodes. Donc le mouvement ou sa présence sur le chemin vont être de moindre envergure; mais son œil noir permet souvent de le détecter.
À l’instar de la gélinotte et le tétras, le lagopède vient souvent chercher du gravier sur les routes.
Un petit conseil, chassez toujours en pensant qu’il y a plus qu’un individu lorsque vous en voyez un ; vous allez la plupart de temps être surpris… je les afflige du surnom de stool !
Calibres et munitions
Il ne faut surtout pas sous-estimer ce gibier ; il est plus solide qu’une gélinotte ; donc à éviter et même proscrire les cartouches utilisées pour le pigeon d’argile avec du plomb de grosseur 7 1/2. Lors de mes périples de chasse au caribou d’hiver j’ai fourni à quelques reprises des boîtes de balle de qualité car des chasseurs n’arrivaient pas à en récolter. Vous pouvez aussi les chasser avec des balles à canard; grenailles d’acier…bref des balles de qualité.
Pour ce qui est des fusils je recommande le calibre 12 et 20 ; malgré le fait que j’ai chassé avec des chasseurs qui utilisaient le calibre 410. J’ai aussi chassé avec une carabine de calibre .22; mais j’avoue aimer en récolter au vol… et oui je suis un sauvaginier dans l’âme.
Par contre assurez-vous que votre arme à feu est exempte d’huile et encore moins de graisse car n’oubliez jamais que les grands froids sont de mise lors de cette chasse et vous ne voulez surtout pas que votre mécanisme fige.
Je profite de l’occasion pour rappeler que votre arme à feu doit se retrouver dans un étui dès que vous êtes en véhicule en dehors des heures légales de chasse; c’est clairement indiqué dans la Loi (LCMVF). Pour ce qui est de la barrure de détente mettez la donc au même moment dans le but d’éviter des problèmes; au niveau de la légalité (selon la loi au niveau Fédéral), elle est obligatoire dès que vous n’êtes plus en transport; par exemple à votre arrivée à l’hôtel.
Sécurité
N’oubliez jamais que vous allez vous retrouver en région nordique, donc il faut prévoir les impondérables. Vous devez avoir dans votre véhicule les éléments de sécurité de base :
- Deux cinq gallons d’essence (tant pour un retour si vous vous éloignez ou si vous restez pris) |
- Trousse de premiers soins (la base) |
- Chandelles et des allumettes (pour un minimum de chaleur) |
- Sacs de couchage et des couvertures pour chacun des participants |
- Eau, des noix et des barres tendres |
- Câble de démarrage |
- Cric |
- Machine à gonfler des pneus |
- Traction aids |
- Élingue ou câble pour se sortir d’une fâcheuse situation (ce n’est pas tout le monde qui en a avec eux) |
- Pelle, une hache, une scie et un couteau |
- Téléphone satellite ou tout autre moyen technologique pour communiquer que vous êtes en détresse |
- Sac de gravier ou de sable |
La récolte et la suite
Je profite de l’occasion pour vous rappeler qu’il est important de récupérer vos douilles et lorsque vous les voyez, vos bourres; c’est la base du respect de l’environnement.
La limite quotidienne de ce gibier est de 10 oiseaux alors que la limite de possession est de 30; ce qui vous donnera assurément de beaux moments. Ne soyez surtout pas déçu si vous n’atteignez pas votre limite. Lors de nombreuses chasses pendant les 25 premières années il n’était pas question de limite mais de profiter d’un gibier peu commun, voire avec un certain exotisme et d’être dans la nature avec des paysages extraordinaires. De plus il permet d’étirer la saison de chasse après l’automne.
L’auteur et son accompagnateur derrière la caméra avec une belle récolte de lagopèdes réalisée lors d’un de ses récents voyages au pays des lagopèdes.
Recettes
Une fois le bonus récolté, il est de mise d’en apprécier la saveur; pour ce faire il existe une multitude de recettes disponible via l’internet…telles que celles que l’on retrouve dans un des livres de recettes que la Fédération met gratuitement à votre disposition (fedecp.com). Quant à moi j’adore savourer ce gibier en raclette ou en fèves au lard. J’avoue avoir deux petits coups de cœur; le premier est attribué à une pionnière sur le sujet dans le livre: Recettes de gibier de Suzanne Lapointe; celle qui s’intitule Choucroute à la perdrix. Mon deuxième coup de cœur va à François Lapointe avec son Lagopède teriyaki que l’on retrouve sur le site chassequebec.com.
Conclusion
Je vous invite grandement à profiter de cette manne mais n’oubliez jamais que vous allez vous diriger vers le Nord du Québec et vous vous devez d’être prudent; si vous hésitez…ne le faites pas. Profitez donc du moment présent pour prendre des photos du paysage et de la faune qui la compose; j’y ai vu des oiseaux rapaces, des martres, des loutres, …et même une hermine qu’un corbeau venait de capturer. En février j’ai été souvent en contact avec le lynx du Canada; des rencontres que l’on n’oublie pas. Pour moi en tant que trifluvien d’origine je compare cette manne à celle du poulamon; il faut en profiter en janvier et février principalement.
BONNE CHASSE!
Au-delà de la chasse, une aventure dans le nord à la poursuite du lagopède permet souvent d’admirer la nature et d’observer d’autres espèces animales comme le lynx.