ÉDITORIAL
Par
Louis Turbide
Des aberrations véhiculées dans le dossier de l’orignal dans la réserve faunique La Vérendrye
Le 29 novembre dernier, la journaliste Delphine Jung de Radio-Canada a publié un article concernant la situation de l’orignal dans la réserve faunique La Vérendrye. Un texte qui avait sa place et qui résumait les préoccupations Anishnabeg face au déclin observé chez l’orignal par cette communauté. Pour vous mettre en contexte, la chasse sportive de l’orignal est fermée depuis l’automne 2021 dans la réserve et elle devrait reprendre en 2024 d’où l’inquiétude légitime soulevée par des Anishnabeg. Ces derniers aimeraient bien que le moratoire soit prolongé pour continuer à donner un coup de pouce aux orignaux de la réserve faunique car selon eux la situation ne s’est pas améliorée. C’est par contre en lisant l’argumentaire décousu rapporté par cette journaliste que la moutarde m’a monté au nez. À ce sujet, je vous invite à aller lire l’article en question en y accédant via le lien suivant : https://ici.radio-canada.ca/info/long-format/2030348/orignal-caribou-disparition-verendrye-anishnabeg-chasse
Il faut comprendre bien honnêtement que quand on aborde un sujet comme celui-ci qui implique des communautés autochtones, la rigueur journalistique est de mise. Je travaille dans le domaine faunique depuis plus de 20 ans et tous les médias sans exception ont toujours fait très attention de ne pas tomber dans la facilité en portant des accusations gratuites concernant des supposés agissements répréhensibles de certains autochtones et ce, pour ne pas jeter de l’huile sur le feu et aussi pour ne pas généraliser à partir de cas isolés. Encore aujourd’hui, je crois que c’est la façon de faire pour trouver des solutions viables à long terme pour nos communautés et ce qui est valide pour les autochtones devrait l’être tout autant pour les allochtones. Quelle ne fut donc pas ma surprise de constater qu’une journaliste d’une société d’État comme Radio-Canada emprunte le chemin de la facilité pour tirer à boulets rouges sur les chasseurs allochtones en les dépeignant d’une façon tellement méprisante que j’en ai eu des hauts le cœur!
Comme je vous l’ai dit précédemment, selon certains membres de la communauté Anishnabeg la population d’orignaux peine à prendre du mieux dans la réserve faunique La Vérendrye et ce même si la chasse sportive est fermée depuis 2021 et que seulement les autochtones ont le droit de prélever des orignaux sur ce territoire. Selon eux, la faute revient en grande partie aux chasseurs allochtones et non au prélèvement autochtone qui n’est aucunement chiffré et documenté. Selon les propos rapportés dans cet article, en plus d’essayer de faire porter le chapeau aux chasseurs allochtones, il est avancé que ces derniers tuent pour le simple plaisir de tuer, qu’ils ne repartent qu’avec le panache sans profiter de la viande que pourrait leur offrir l’animal. Les chasseurs allochtones appliqueraient aussi le principe du « double dip » qui s’explique ainsi. Par exemple, un chasseur tue une femelle durant la période de son permis de chasse mais la dernière journée il voit un mâle et le tue aussi. Il va alors laisser la femelle dans la forêt et partir avec le mâle pour garder le trophée. Comme si ce n’était pas assez, ces derniers estiment aussi que plusieurs tactiques modernes sont employées au désavantage de l’animal comme le sel, les carottes, les appeaux électroniques qui reproduisent les appels de l’orignal. Des avantages qu’ils jugent injustes. Je n’invente rien! Tout est clairement rapporté dans l’article de madame Jung. Mais sur quelle planète vit-elle pour rapporter autant d’accusations graves, mensongères et loufoques, sans avoir pris le temps de les vérifier sérieusement.
Je suis tout aussi déçu du mépris pour les chasseurs allochtones que semble avoir l’AMC (L’Anishnabe Moose Commitee), un mouvement citoyen qui se compose de membres de différentes communautés anishnabeg limitrophes à la réserve faunique : Lac-Barrière, Kitigan Zibi, Lac Simon et Kitcisakik. Ne vous en déplaise chers membres de l’AMC, nous les chasseurs allochtones sommes un peuple tout aussi fier que vous et nous avons aussi des coutumes et des traditions. La chasse fait partie de notre mode de vie depuis la nuit des temps tout comme vous et nous vouons un respect tout aussi profond que vous pour les animaux des la forêt comme l’orignal. Pour nous la venaison d’un animal est un cadeau de la nature que nous respectons au plus haut point et nous nous faisons un devoir de prélever toutes les parties après la récolte d’un gibier. On est loin de l’hérésie décriée dans ce texte. Je ne connais aucun chasseur allochtone tel que dépeint dans ce torchon publié par madame Jung. Dans nos deux peuples, il y a des voleurs de la faune qui abattent sans distinction des orignaux contre de l’argent. On les appelle des braconniers, rien à voir avec des chasseurs autochtones ou allochtones qui respectent les règles ou droits établis.
Je ne comprends réellement pas l’objectif d’agir ainsi de façon si malhonnête mis à part le fait de manquer probablement d’arguments pour faire avancer cette cause en tentant de discréditer les allochtones chassant en périphérie de la réserve. Un moment donné, il va falloir que tout le monde se regarde dans les yeux et comprenne qu’on doit tous faire partie de la solution si on a tant à cœur que ça la pérennité de l’orignal. S’il faut encore arrêter la chasse à l’orignal pour les allochtones dans la réserve faunique La Vérendrye pour encore deux ans, je n’ai aucun problème avec ça. Mais dans deux ans, si la population ne se rétablit pas, on fait quoi? Malheureusement, la gestion efficace d’un cheptel passe par des statistiques précises de récolte. Sans ces données, aucune action sérieuse ne peut être mise en place. Ici, il n’est aucunement question de remettre en question les droits de subsistances des autochtones mais seulement d’avoir un portrait précis de l’état d’un cheptel en chiffrant combien d’orignaux sont récoltés par ces derniers. J’ai toujours été très perplexe face à ce refus de fournir une information aussi simple qui ferait toute la différence pour assurer la pérennité de l’orignal. J’ai hésité longtemps avant d’écrire cet éditorial de peur qu’on me prête des intentions que je n’ai pas mais un moment donné il y a toujours bien des limites à se faire dépeindre de façon aussi méprisante!